Suite du parcours de Claude Branciard, soldat Mort pour la France qui avait pris la précaution de rédiger son testament au lendemain de la mobilisation. Nous l'avons laissé alors qu'il venait d’incorporer son régiment, en septembre 1914. Nous le retrouvons en février 1915 au Bois d'Ailly dans la Meuse.

La bataille fatale

Claude fait partie de la neuvième Compagnie, dans le troisième Bataillon. En février 1915, cette compagnie située au Bois d'Ailly dans la Meuse compte quatre officiers et 200 hommes de troupe : 18 sous-officiers, 19 caporaux et 163 soldats.

Entre les multiples "événements de guerre" et leurs différentes attaques de grenades ou fusillades qui tiennent malgré tout quotidiennement le moral de la troupe "bon" ou "assez bon", la compagnie travaille au creusement de boyaux ou de tranchées, procède à l'abattage de rondins et piquets, pose des réseaux de fil de fer, ...
Mais après tant d'autres, une nouvelle bataille commence le 5 avril 1915, concentrée entre le Bois d’Ailly et le Bois de la Vaux-Fery. Le bataillon dont Claude fait partie va attaquer des tranchées allemandes situées à l’extrémité des tranchées françaises et en limite d’un réseau de fils de fer.

Carte des opérations du 56è RI

Carte des opérations du 56è régiment d'infanterie sur les Hauts de Meuse. Cliquer pour zoomer.
(source : Mémoire des hommes, Journaux des marches et opérations du 56è régiment d'infanterie, cotes 26 N 645/4)

En exécution de l'Ordre d'Opération du Général Commandant la 15ème Division d’infanterie pour la journée du 5 avril, un ordre d'opération minutieux est donné aux troupes.
L'opération doit débuter à midi sur le front de différents ouvrages allemands. Un croquis a été remis à tous les commandants de compagnie. Le but ultérieur de l'opération est de progresser pour menacer les communications du Camp des Romains et atteindre la route Apremont - Saint-Mihiel.

Les bataillons d'attaque sont divisés en deux compagnies de ligne et une compagnie de réserve, la première ligne étant elle-même divisée en colonnes puis échelons successifs. Dans ces colonnes d'attaque, les hommes baïonnette ou canon porteront des calendriers[1] et des grenades, des sacs de terre, et un outil portatif au ceinturon. Ils marcheront sans sac, mais porteront leur couverture et toile de tente, deux jours de vivres comportant notamment un bidon plein de café alcoolisé, et seront équipés de 300 cartouches.
Les sapeurs du génie du premier échelon auront leur fusil, une grande cisaille, une hache ou une charge allongée de pétard.
Dans chaque compagnie d'attaque, deux sapeurs emporteront l'extrémité d'une corde de longueur double de celle séparant les tranchées françaises et allemandes pour établir un va et vient, l'autre extrémité de la corde devra être attachée solidement à la tranchée de départ.
Les échelons sont organisés afin de conquérir les tranchées ou boyaux ennemis. Ceux-ci doivent alors être retournés et barrés avec des sacs de terre et renforcés par du terrassement. Puis des boyaux de communication doivent être ouverts entre la tranchée d'arrivée et la tranchée de départ, sur le plus grand nombre de points à la fois pour chaque boyau. Les liaisons avec l'artillerie seront assurées par fil téléphonique et suivant un code de signaux pré-établi, et en cas de brouillard ou de nuit, par des relais de clairons.

Finalement, le 3è Bataillon quitte Mécrin le 5 avril à 8 heures pour aller se placer face à son objectif des tranchées allemandes. A 11h50, toutes les compagnies ont atteint les emplacements prévus, l'attaque démarre comme cela avait été préparé. La première contre-attaque allemande a lieu à 13 heures, contre laquelle s'engagent la 9è et la 12è Compagnie. Plusieurs attaques françaises et contre-attaques allemandes alternent dans l'après-midi et jusque dans la soirée, avec de violents bombardements enrayés par des tirs de barrage et le feu de l'infanterie. Dans la journée du 6 avril, le Bataillon procède à plusieurs bombardements par obus de gros calibres, la cadence du bombardement de l'après-midi se montant à 25 coups à la minute pendant une heure.
Cette première journée particulièrement violente fait 19 morts, 168 blessés et 36 disparus. Le lendemain, on comptera deux morts, 27 blessés et un disparu.

Le 7 avril, les hostilités commencent dès 5 heures du matin, avec des bombardements jusqu'à 7h30 qui bouleversent les tranchées. L'ennemi attaque à 8 heures à coups de grenades et de calendriers, et cette contre-attaque est repoussée par la troupe française.

Lancement du calendrier

Lancement du calendrier (grenade à manche), forêt d'Apremont.
(source : Gallica, [photographie de presse] / [Agence Rol])

Mais une contre-attaque plus violente débute à 9 heures et tue deux lieutenants. Près de deux heures après, une troisième attaque d'une extrême violence oblige les éléments à se replier malgré une résistance acharnée. Les unités du 3è Bataillon sont complètement mélangées et à bout de souffle. Sans cadre, elle continuent malgré tout à tenir les premières et deuxièmes lignes allemandes. Celles-ci contre-attaquent 10 minutes plus tard et regagnent du terrain. Jusqu'à 22 heures, les attaques et contre-attaques progressent et reculent alternativement. Cette journée fait 9 morts, 61 blessés et 14 disparus dont Claude Branciard.

Au troisième jour de cette sanglante bataille, le Général Commandant le 8è Corps d'Armée adresse

ses chaleureuses félicitations à tous les officiers et homme de troupe qui combattent avec succès dans le Bois d'Ailly.
Par le courage dont ils ont fait preuve dans la conquête des tranchées ennemies et par la ténacité qu'il leur a fallu déployer pour garder les tranchées enlevées ou pour reprendre celles réoccupées temporairement par l'ennemi, tous ont montré qu'ils avaient compris l'appel fait à leur patriotisme et l'importance de l'action engagée actuellement.
Le Général Commandant le Corps d'Armée les en remercie et compte qu'ils redoubleront leurs efforts pour chasser l'ennemi hors du Bois d'Ailly.

Les bombardements, attaques et contre-attaques dureront jusqu'au 14 avril. Sur les 2869 hommes du Régiment présents fin février, ces dix jours de combat feront près de 600 victimes (un quart des effectifs !) : 88 morts, 457 blessés et 54 disparus.
Finalement, le Régiment est reconstitué à Mécrin et rentre à Commercy et Vignot le 15 avril à 6h30.

Disparu, Claude n'aura pas pu être enterré dans le cimetière de Mécrin avec ses camarades.

Cimetière de Mécrin

Cimetière de Mécrin où reposent les soldats du 56è morts au Bois d'Ailly.
(source : Mémoire des hommes, Journaux des marches et opérations du 56è régiment d'infanterie, cotes 26 N 645/4)

L'officialisation du décès

Plus d'un an après la disparition de Claude, un secours de 150 Francs (environ 375 € actuels[2]) est accordé à la mère de Claude, le 9 août 1916.
Il faudra attendre six ans avant que son décès ne soit officialisé : le jugement déclaratif statuant son décès est rendu le 14 janvier 1921, et l'acte transcrit dans les registres d'état civil de la commune de Pommiers le 10 février. Cinq mois plus tard, son testament est mis au jour (mais par qui et où avait-il été conservé ?).
En 1921 et 1926, Marguerite habitait alors seule à Pommiers, dans le même lieu et probablement la même habitation que précédemment.
A-t-elle pu effectivement hériter des biens de son fils comme il le voulait ? Quels étaient-ils d’ailleurs ?
Le dénouement dans un prochain article !


[1] Grenade à manche
[2] Source : Convertisseur franc-euro sur le site de l'INSEE.

Sources :

Article écrit par Chantal, le 14 mars 2016

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